Symphonie fiduciaire & autres nouvelles, de Nicolas Gracias

9782888921646En couverture: un titre étrange et la photo (signée Slobodan Despot) énigmatique d’une paire de chaussures se découpant sur un sol goudronné. A l’évidence, les dix nouvelles proposées par Nicolas Gracias sont placées sous le signe de l’étrange. L’auteur lui-même explique que celles-ci « gravitent autour de l’absurde et du burlesque ».

La forme de la nouvelle, entre volonté de brouiller les pistes et jouissance d’une chute spectaculaire ou au moins imprévue, se prête particulièrement bien à l’écriture fantastique : si on pense naturellement à Poe et à ses « nouvelles histoires extraordinaires », d’autres auteurs contemporains, et notamment Bernard Quiriny, excellent aussi dans le genre.

L’auteur a-t-il lu Quiriny ? On retrouve une proximité stylistique voire thématique chez les deux auteurs, un même plaisir à partir du monde rationnel et prévisible que nous connaissons pour basculer progressivement, l’air de rien, vers un univers aux règles différentes, à la logique déformée. C’est notamment le cas dans la deuxième nouvelle, l’histoire d’un gardien de phare qui attend la relève, ou dans la première, ce joli texte aux airs de science-fiction qui, loin de se prendre au sérieux, se moque gentiment du monde.

C’est en 20** que le Professeur Parangola  mit au point le UDO (« You-Do »). il s’agissait du tout premier jeu virtuel basé sur une connaissance exhaustive de la personnalité du joueur. On avait alors déjà vu éclore les « Second life », les « Everquest », ou encore les « World of Warcraft » qui permettaient de mêler les charmes de l’action héroïque à l’identification au personnage.

Si l’ouvrage est agréable à lire, la qualité des nouvelles nous a semblé quelque peu inégale. Nous avons aimé les trois premières, un peu moins les autres, à l’exception de « Symphonie fiduciaire », qui donne son nom à l’ensemble: l’auteur ne s’y est pas trompé, c’est en effet la plus réussie. En quelques paragraphes, Gracias nous offre une écriture intelligente et une bonne dose d’humour noir, un ingrédient généralement propice au succès de ce type de nouvelles. D’autres textes, au contraire (« Les portes du Père Goriot », une histoire assez confuse à la chute décevante, ou encore « Les héritiers ») partent d’une excellente idée initiale, mais s’égarent en route, de sorte que l’impression qui se dégage de leur lecture est celle d’une promesse non tenue. La nouvelle est un genre exigeant et particulièrement difficile: le lecteur ne doit pas s’ennuyer une seule seconde. Ce luxe-là, en quelque sorte toléré dans le roman, est ici interdit. Malheureusement, Nicolas Gracias ne parvient pas toujours à éviter cette difficulté: certains passages sont franchement longuets, un comble pour des textes de quelques pages ! Surtout il nous semble que Gracias n’ose jamais vraiment aller au bout de la logique de l’absurde, il persiste à vouloir tenir les rênes de son récit, se refusant à le voir partir, hors de son contrôle, vers la folie et le fantastique: quel dommage !

Au final, l’impression est bonne, le recueil recèle de nombreuses idées originales, mais il manque ce petit quelque chose, cette petite touche de folie (ou peut-être un style un brin plus personnel) qui permettrait aux récits de vraiment décoller.

Symphonie fiduciaire & autres nouvelles
Nicolas Gracias
Xenia, 2012, 180pp.

L’auteur :
On ne sait que peu de choses sur l’auteur: la quatrième de couverture mentionne seulement qu’il a publié un premier roman intitulé « Pigeon veille ». Une recherche sur la toile nous apprend qu’il est né en 1974 près de Paris, et qu’après un diplôme de commerce et des études de Lettres, il s’est consacré à l’écriture en exerçant différents « petits boulots ».

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