Une brute au grand coeur, de Matteo di Genaro

Le ton est donné dès les premières pages: une scène de crime, un corps découpé, une jambe déposée sur la bibliothèque, de laquelle coule quelques gouttes de sang… Voilà le lecteur plongé dans un polar, l’enquête progresse, il est question de règlement de compte, de prostitution, de Russes peu amènes, de bars glauques…

En à peine soixante pages, autant être clair, Matteo di Genaro (qui est à la fois l’auteur et le narrateur de ce récit en « je ») n’a pas le temps de déployer une trame policière particulièrement complexe: là n’est pas l’intérêt de cet ouvrage situé quelque part entre la nouvelle et le roman. Au fil des pages, on en viendrait même à penser que l’auteur parodie le genre du polar, de sorte que plusieurs niveaux de lecture sont possibles.

Autant vous le dire tout de suite, je m’appelle Mateo Di Genaro, j’ai trente-deux ans et un compte en banque trop gros pour être concevable pour votre petite imagination. Comment je le sais ? C’est une question de statistiques. A moins que vous ne figuriez dans le classement Forbes des cent plus grosses fortunes de cette année, j’ai raison. Il n’y a pas de quoi rougir, Steeve Jobs n’était que cent dixième et je ne suis pas sûr que ça lui serve beaucoup là où il est.

Le jeu avec (ou contre) le lecteur constitue l’une des caractéristiques de son écriture: di Genaro ne se prive pas d’interpeller celui-ci sur le ton de la moquerie et de l’ironie, ne cessant de comparer sa vie, pleine et intéressante, à la nôtre. Le héros, riche, prétentieux et sûr de lui, excelle dans l’art difficile d’agacer efficacement ! La dimension ludique fait tout l’intérêt de ce petit livre: l’écriture est vive, gaie, elle joue sur les stéréotypes du genre policier, met en lumière ses ressorts, ses tics, jusqu’au grotesque: s’agit-il d’un roman policier, un d’un roman policier qui se moque de lui-même ?

La forme condensée requiert une écriture vive, explosive, pleine de surprises: di Genaro parvient avec talent à maintenir l’intérêt par ses nombreux bons mots, réflexions impertinentes, jeux de double sens… Cela se découvre avec plaisir, même si le risque existe d’une certaine saturation, comme si le texte finissait par se lire comme un pur exercice de style, fût-il très réussi.

En résumé: un roman souvent drôle et très théâtral, plaisant comme une bonne pièce de boulevard.

Une brute au grand coeur
Matteo di Genaro
BSN Press, 67 pages
2014

L’auteur
Mais qui est Matteo di Genaro ? Allez savoir… On sait seulement qu’il est immensément riche, et qu’en ce moment même, il est en train de coucher avec notre femme, notre fille… ou même notre fils. la toile est très avare en
informations: sur wikipedia, une page existe bien: Matteo di Genaro, né en 1994, est un jour de football italien. Sur linkedin, quelques clics renvoient à un policier, membre de la « Arma dei Carabinieri »… Mystère, donc.

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