Elle portait un manteau rouge, de Pierre Crevoisier

Nous poursuivons notre série sur la rentrée littéraire romande, avec d’autres ouvrages parus ces derniers mois. Aujourd’hui, « Elle portait un manteau rouge », de Pierre Crevoisier.

Elle portait un manteau rougeDes lettres aux teintes d’hémoglobines, la silhouette d’un manteau – ou peut-être seulement une tache de sang qui s’école dans une grille ? La belle et très sombre couverture du premier roman de Pierre Courvoisier donne le ton : c’est un polar… La lecture du premier chapitre – sans doute l’un des plus réussis – semble confirmer l’intuition : le lecteur est immédiatement placé dans le coeur d’une action précisément façonnée, le rythme est rapide, la tension est palpable… On est « plongé dedans » dès les premières lignes.

Polar, ai-je écrit ? Au fil du récit, les vingt-trois brefs chapitres du roman construisent plutôt la trame d’un drame psychologique à plusieurs facettes. Il y a Vincent d’abord, dont le frère Jacques a été tué dans un accident de voiture. Vincent qui revient dans la maison de celui qu’il a perdu, et cherche à comprendre le sens d’un tel événement. Il y a Agata, cette fillette détruite jour après jour – les scènes sont ici d’une grande dureté. Et puis il y a cette femme au manteau rouge, cette apparition mystérieuse…. Tout l’intérêt bien sûr réside dans la manière dont ces destins vont ou ne vont pas s’imbriquer : Pierre Crevoisier sait manier le suspense, il brouille avec talent les pistes, construisant une structure qui tient parfaitement en place.

On retrouve chez l’auteur une écriture faite de sensualité et d’érotisme (par exemple, la très belle description d’une étreinte amoureuse, toute d’une longue phrase, aux premières lignes du chapitre 11), d’un souci pour le paysage et l’environnement naturel dans lequel les protagonistes évoluent, et d’un travail sur la psychologie de personnages en détresse. Comme l’annonce la quatrième de couverture, le thème amoureux est traité sous l’angle d’une dépendance ; c’est ici la figure mythique de la femme-vampire qui est convoquée, amenée par petites touches subtiles, jusqu’au vide final.

Et je la vois. A nouveau. Je la sens plus que je ne la vois d’abord. C’est la couleur qui capte mon regard, l’étoffe vermillon passant et repassant entre d’autres silhouettes, comme les images syncopées des premiers cinématographes. Elle scintille dans la lumière. Puis elle disparait à ma vue, happée par la multitude. Je prends le ciel à témoin, me transforme en oiseau, le point rouge est là, à une centaine de mètres plus avant, derrière l’angle de la ruelle se dérobant à l’ouest.

Si le procédé consistant à imbriquer la narration avec la lecture d’un journal intime fonctionne bien, cette dernière a parfois tendance à casser un peu le rythme, amenant à quelques longueurs, notamment en milieu de récit.

Au final, un premier roman très réussi, sombre et intriguant, et qui constitue l’une des nombreuses bonnes surprises de cette rentrée littéraire romande.

Pierre Crevoisier
Elle portait un manteau rouge
Tarma, 2013, 174 p. 

L’auteur :
Pierre Crevoisier est journaliste à la RTS. Il a exercé de nombreuses autres activités : marin, enseignant, créateur d’entreprises. Jurassien d’origine, il vit désormais à Lausanne. « Elle portait un manteau rouge » est son premier roman.

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