Le cœur du problème, de Christian Oster

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En rentrant chez lui, Simon découvre un homme mort, gisant sur le sol du salon. La balustrade est cassée. Pour toute explication, sa femme l’informe que l’homme « est devenu violent »; laconique, elle ajoute seulement qu’elle s’en va. S’en suit le récit de Simon et de ce corps avec lequel il va désormais devoir composer.

Ce roman est une pépite. La plume de Christian Oster, peut-être l’un des meilleurs stylistes français contemporain, est plus enjouée et subtile que jamais. Bien que ne publiant plus dans cette maison, on perçoit la « patte Minuit », le travail sur la forme, les longues phrases, les dialogues encastrés dans le fil de la narration, les jeux de mots et de rythme. Ajoutons encore que l’humour pince-sans-rire, présent par petites touches au fil des pages, ne gâche en rien le plaisir de lecture.

Pour dire les choses vite, quand je suis rentré chez moi ce soir de juillet, il y avait un homme mort dans le salon. Pour les dire plus précisément, l’homme était allongé sur le ventre, à l’aplomb de la mezzanine où nous avions notre chambre, Diane et moi, et dont j’ai vu que la balustrade avait cédé. Nous devions depuis longtemps renforcer cette balustrade, qui commençait à présenter du jeu. Je sortais d’un rendez-vous de travail particulièrement improductif et j’étais plutôt de mauvaise humeur, si bien que ma première réaction a été une forme d’agacement, un peu comme si je venais de trouver le salon en désordre ou, pour être plus juste, comme si ce qui ressortait de ce que j’avais découvert avait prioritairement à voir avec le désagrément. (incipit)

Si elle n’est pas inexistante, l’intrigue est secondaire par rapport au langage. Peu de rebondissements, pour ainsi dire aucune action dans ce livre, et pourtant l’effet de suspense est efficace, qui fonctionne sur l’identification au personnage pris dans une tourmente qui le dépasse et le paralyse. Il y a de l’absurde, de l’excessif, de l’incompréhensible dans cet anti-héros en posture de victime, son cadavre sur les bras et sa femme en fuite!

Sous de faux airs de polar, Le coeur du problème est avant tout le portrait d’un homme, la cinquantaine déjà un peu grise, qui semble se trouver à la croisée des chemins. Personnage cultivé, solitaire et un brin désabusé, Simon se laisse porter avec flegme par les événements qui s’enchaînent, provoquant chez le lecteur un mélange d’incompréhension et d’empathie. Amateurs d’enquêtes policières, de retournements de situation et de recueil d’empreintes digitales, passez votre chemin: le plaisir de la lecture ne vient pas ici de la recherche du coupable ou du mobile, ni du coup de théâtre final. Les raisons du meurtres sont secondaires.

En définitive, un roman exigeant dans lequel le style « clinique » de l’auteur est mis avec talent au service du détachement vécu par le protagoniste. Il n’y a au fond que la fin, soit les vingt ou trente dernières pages, qui laissent un arrière-goût d’inachevé, l’auteur finissant par tourner doucement en rond; mais n’est-ce pas là la seule manière de conclure ce récit ?

Christian Oster
Le coeur du problème
Ed. de l’olivier, 2015
188 pp.

L’auteur: Christian Oster est un écrivain français, né à Paris en 1949. Après avoir lu Chiendent de Raymond Queneau, Christian Oster se lance en littérature en écrivant des polars pour le Fleuve noir, dans les années 1980. Il est connu pour être l’auteur de Mon grand appartement, récompensé en 1999 par le Prix Médicis, et d’Une femme de ménage (2001), adapté au cinéma par Claude Berri, tous deux parus aux éditions de Minuit (Wikipedia).

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