C’est l’histoire d’un homme. Un homme pas plus cynique, pas plus calculateur, pas plus convenu qu’un autre. Le narrateur, responsable du prestigieux « Secteur littérature et philosophie » d’une grande bibliothèque, voit ses certitudes vaciller lorsqu’il se fait traiter de « pauvre type » dans une file d’attente d’un supermarché. Cet incident traumatisant va-t-il lui permettre de s’ouvrir ?
Avec le Tapis de course, Michel Layaz dessine avec beaucoup de finesse les contours d’une possible transformation. Ecrit sous la forme du journal intime, son roman plonge le lecteur dans la grisaille d’une psychologie du parfait « mec normal », aussi mauvais mari qu’il est mauvais père et mauvais collègue. Layaz réussit, et c’est là la grande force du livre, à mettre en scène un personnage assez odieux sans jamais en faire trop, sans verser dans la caricature grossière. Ce « je » dont on suit avec intérêt les confessions, ce « je » qui lave sa voiture une fois par mois et couche avec sa femme tous les trente jours, on a l’impression de le côtoyer, de le connaître avec sa lâcheté, ses bassesses, mais aussi avec ses doutes et ses faiblesses.
C’est aussi le parfum de l’époque qu’évoque l’auteur, ou peut-être le parfum un peu écœurant d’un bonheur à l’helvétique, comme semble le suggérer la couverture : la réussite professionnelle, les deux enfants, la maison avec jardin… y aurait-il quelques fissures dans le beau décor ? On a encore beaucoup apprécié le regard grinçant et un brin désabusé porté par l’auteur sur le monde du travail et des collègues, où il est question de minuscules trahisons, de si petits coups de poignards dans le dos.
Ecrit dans un style léger et agréable, le Tapis de course est un excellent roman introspectif, précis et juste, souvent très drôle. S’il fallait un portrait du brave père de famille, le voici peint avec maestria.
Michel Layaz
Le Tapis de course
Editions Zoé, 2013
L’auteur:
Né à Fribourg, Michel Layaz vit à travaille à Lausanne. Ecrivain reconnu aussi bien en France que dans son pays, il a été invité à représenter la Suisse lors du salon du livre de Paris en 2006.