Une histoire d’amours, de Mathieu Chevrier

L’ouvrage débute sur une « conversation » au style SMS: quelques mots, quelques formules stéréotypées et ponctuées des smileys de circonstance. On comprend rapidement que c’est à un homme que le narrateur en « je », lui aussi de sexe masculin, envoie le message.

De ce « je », il est beaucoup question au fil des pages; ce petit livre raconte, comme l’indique son titre, les aventures homosexuelles d’un jeune homme. Et comme l’histoire se déroule aujourd’hui, le contact est pris par téléphone portable, notamment via une application spécialisée, sorte d’avatar gay du bien connu Tinder. Sans trop de surprise, le narrateur est un jouisseur accro au sexe, l’intrigue se résumant à une suite de rencontres vécues plus ou moins bien et permettant au héros d’exprimer ses états d’âmes sur le mode « je multiplie les plans, mais au fond je suis un romantique qui recherche le grand amour ». L’auteur détaille donc, en une septantaine de pages, une complainte un brin narcissique et ponctuée, comme il se doit, de quelques scènes plus crues, histoire de donner un peu de chair à un récit assez plat.

Non pas que le livre soit mauvais, seulement on a l’impression de l’avoir déjà lu dix fois, et souvent en mieux. En 2017, peut-on encore surprendre, peut-on encore dire quelque chose de plus sur le thème des rencontres sexuelles via sites (ou « applis ») de rencontre ? Le premier roman de Mathieu Chevrier manque de fantaisie (l’excellente série de romans non moins gais de Matteo Di Genaro, parus chez le même éditeur, pourrait ici servir d’exemple) , d’humour, de folie, et sans doute aussi de provocation. Quelle tristesse, quelle platitude que cette succession de rencontres convenues, avec ou sans lendemain ! On a l’impression d’assister, un peu ennuyé, aux copulations d’une colonie de robots blasés de tout; l’ensemble ne trouvant pas vraiment son équilibre entre quête du sentiment et évocation crue d’une vie urbaine. Et que penser du regard porté sur l’homosexualité, un peu rapidement résumée à une forme de lubricité, clins d’œils bien appuyés compris ?

Je les ai tous aimés. Il y en a eu près de cinq cent jusqu’à aujourd’hui. Je les ai tous aimés. D’une façon ou d’une autre. je les ai tous aimés. Ils sont le miroir de ce que je suis devenu. Depuis ce jour où je l’ai rencontré. L’inconnu qui a tout changé. Celui que j’aimerai toujours. Quoi qu’il arrive. D’un amour absolu. Inconditionnel. Passionné. D’un premier amour. D’un amour fraternel. Paternel. D’un amour coup de foudre, d’un amour d’amant, d’un amour d’enfant. D’un amour que j’inventerai.

Certes, si l’objectif de l’auteur était d’exposer la vacuité des échanges virtuels précédant l’échange de fluides, il y est parvenu, et c’est là sans doute le point fort du roman. Et puis Chevrier décrit bien la banalité, l’ennui, la routine… Mais de cela, qu’en fait-il ? La dernière page tournée, reste une question: « so what ? »

Au final, un premier roman inégal, alternant du bon (par exemple la description de la rupture, pages 23 à 25) et du plus dispensable.

Mathieu Chevrier
Une histoire d’amours
BSN Press, 2016
88 pp. 

L’auteur: Mathieu Chevrier est né en Valais, et vit aujourd’hui à Lausanne. Il a découvert le théâtre à un tout jeune âge, puis s’est rapidement tourné vers sa passion première : la radio. Au sein de la RTS vous avez pu l’entendre sur Couleur 3, l’apercevoir sur RTS Un et aujourd’hui dans le magazine culturel Vertigo sur RTS La Première. Curieux, un peu geek, fan de séries et de jeux vidéos, Une histoire d’amours est son premier roman.

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